• Publié le 22 avril 2021
  • Par Georges Gherardi

LE POUVOIR JUDICIAIRE S’ENGAGE RÉSOLUMENT VERS LA MÉDIATION

La médiation mise à l’honneur dans le dernier compte-rendu du Pouvoir judiciaire genevois.

Contrairement à une idée reçue malheureusement encore trop répandue, le Pouvoir judiciaire est hautement favorable à la résolution amiable des litiges, qui présente deux avantages sur le contentieux judiciaire. Impliquant la participation active et volontaire des parties en présence, elle aboutit à une solution librement acceptée et favorise ainsi le règlement complet et durable du différend. Elle permet ensuite de limiter la judiciarisation des relations sociales et, partant, l’engorgement des autorités judiciaires. Quel magistrat pourrait ne pas en appeler le développement de ses vœux ?

Les parties peuvent travailler seules à la recherche d’un accord, si elles parviennent à trouver ensemble le chemin pour ce faire et que les circonstances s’y prêtent. Elles peuvent aussi y être aidées par les autorités judiciaires ou par des personnes extérieures à leur conflit, disposant à titre professionnel des compétences adéquates. Cette assistance peut notamment leur être fournie dans la procédure de conciliation ou dans la médiation.

La conciliation est le mode judiciaire de règlement amiable des litiges. En principe gratuite, elle est, en matière civile du moins, généralement imposée par la loi aux parties qui s’adressent à l’autorité judiciaire. Elle constitue ainsi un préalable nécessaire à la phase contentieuse à proprement parler, qu’elle tend à éviter, le juge ou le tribunal cherchant activement à réconcilier les positions antagonistes qui lui sont présentées et à amener les parties à préférer une solution consensuelle à la procédure et à la décision judiciaires.

La médiation est pour sa part extrajudiciaire. Elle se distingue notamment de la conciliation par son caractère facultatif : elle présuppose que les personnes concernées décident ensemble d’y recourir. Elle intervient idéalement avant la saisine de la justice mais peut également être tentée après l’ouverture d’une procédure judiciaire. Dans ce second cas, le juge peut jouer un rôle important, même s’il reste très accessoire en comparaison avec celui qui est le sien dans la procédure de conciliation, en initiant, en favorisant ou en accompagnant de manière bienveillante le processus de médiation. Mais le personnage central de la médiation, c’est la médiatrice ou le médiateur.

Le Pouvoir judiciaire a profité de l’entrée en vigueur du code de procédure civile suisse en janvier 2011 pour affecter des moyens importants à la conciliation civile. Avec un succès manifeste, dès lors que ce sont entre 2’000 et 3’000 procédures judiciaires qui prennent désormais fin chaque année dans cette filière par un accord devant les juges conciliatrices et conciliateurs. Le taux de conciliation s’élève ainsi à plus de 30 % dans les affaires ordinaires (le double de 2010), à plus de 40 % dans les contentieux prud’homaux et même à plus de 60 % en matière de baux et loyers, domaine dans lequel le taux ne dépassait pas 50 % lorsque la commission de conciliation n’appartenait pas au Pouvoir judiciaire.

Pour disposer d’une vision globale de la proportion des accords amiables conclus devant les autorités judiciaires civiles après le dépôt d’une demande en justice, il faudrait encore ajouter les transactions conclues après l’échec de la conciliation, qui correspondent à autant de procès qui ne commencent pas, et celles qui interviennent dans les phases ultérieures de la procédure judiciaire, tant en première instance (plus de 530 transactions ou jugements­-accords au Tribunal civil et au Tribunal des prud’hommes) qu’en dernière instance cantonale (près de 20 arrêts-accord rendus à la Cour civile de la Cour de justice).

Quant à la médiation, le Pouvoir judiciaire la favorise d’ores et déjà, et ce dans tous les types de contentieux. Des efforts particuliers sont déployés en matière de protection des enfants, tant par le Tribunal de protection de l’adulte et de l’enfant que par le Tribunal des mineurs. Le premier finance ainsi plusieurs séances de médiation lorsqu’il exhorte les parents, voire les enfants, à recourir à la médiation comme le prévoit le code civil. Le second recourt régulièrement à la médiation comme le prévoit la procédure pénale des mineurs, avec un taux de réussite impressionnant, dès lors que 70 % des procédures pénales que le tribunal adresse annuellement en médiation ont pu être classées grâce au succès de la démarche. Le Ministère public favorise également le recours à la médiation dans les procédures pénales diligentées contre les personnes majeures, en finançant lui aussi la démarche.

Le Pouvoir judiciaire a décidé de faire plus encore en faveur de la résolution amiable des litiges en général et de la médiation en particulier. Dans l’esprit de la motion 2449 votée le 25 janvier 2019, par laquelle le Grand Conseil a invité le Conseil d’Etat à mettre en œuvre l’article 120 de la constitution genevoise (“ L’Etat encourage la médiation et les autres modes de résolution extrajudiciaires des litiges”), il a mis en place, en étroite concertation avec l’ordre des avocats, l’association des juristes progressistes, la Fédération Genevoise des MédiationS (FGeM), l’antenne de médiation de la fondation Astural et l’association Séparation et coopération parentale autour de l’enfant (ScopalE), des groupes de travail chargés d’identifier, de concevoir et de mettre en œuvre des mesures d’encouragement à la médiation. Portant sur cinq domaines (l’information des justiciables et la publicité, la conduite de la procédure, la formation des professionnels, les incitations financières et le travail en réseaux), les travaux sont conduits à un rythme soutenu et doivent aboutir à la mise en œuvre de mesures concrètes, à même d’accroître effectivement le recours à la médiation.

Le chantier est de taille et les obstacles nombreux, mais comme le disait le poète, labor omnia

La Commission de gestion tient à adresser ici ses vifs remerciements à l’ensemble des parties prenantes aux travaux en cours. Elle les assure de son plein soutien.

Olivier Jornot
Président de la Commission de gestion

Patrick Becker
Secrétaire général du Pouvoir judiciaire

Le Procureur Général de Genève, M. Olivier Jornot, à la RTS le 13 avril 2021 au 12/45

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